Cet article traite de la question de l’objection de conscience et des raisons qui ont conduit la Confédération suisse à instaurer un service civil, comme alternative au service militaire obligatoire.
La première pétition pour un service civil en Suisse date de 1903. Entre 1903 et 1906, on constate 60 condamnations pour refus de servir par les tribunaux militaires.
Une 1ère pétition, datée du 28 septembre 1903, demandait au Conseil fédéral que l’objection de conscience soit reconnue comme motif d’exemption du service militaire, en précisant que « l’exempté pourra être astreint à tout autre travail d’intérêt public équivalant au service militaire ou en dépassant même les astrictions ». (Paul Pettavel, pasteur à la Chaux-de-Fonds ainsi que 15 autres signataires – sources : Guillaume Klauser).
En 1917, le conseiller national Hermann Greulich dépose une motion qui demande la libération de l’astreinte militaire pour les objecteurs ayant déjà été «condamnés une première fois pour refus de servir pour des motifs religieux, moraux ou politiques». Cette libération devait intervenir moyennant un service civil « de même durée à but culturel ».
En 1923, Pierre Ceresol, qui deviendra par la suite le fondateur du Service civil international, publie sa fameuse « Pétition en faveur d’un service civil pour les objecteurs de conscience ».
En 1946, une motion sur le service civil est déposée au parlement par le conseiller national André Oltramare, puis c’est au tour du conseiller national Alfred Borel, en 1955. Ce même conseiller Borel présente en 1964 une initiative parlementaire sur le même sujet. Toutes sont refusées par le parlement.
Dans les années 1960 – 80, on observe une forte augmentation des cas d’objection de conscience. En 1960, le nombre de condamnations pour objection s’élevait à 36 ; il dépassara les 700 pour l’année 1982.
Dans les années 1960-70, le service civil est introduit dans plusieurs pays européens, comme en République fédérale d’Allemagne en 1961, en France en 1963, en Italie en 1972 et en Autriche en 1975.
Dans les années 1970 et 1980, le rapport annuel d’Amnesty International fait alors état, année après année, des violations des droits de l’homme en Suisse en rapport avec l’objection de conscience et les objecteurs de conscience.
Le 12 janvier 1972, une initiative populaire concernant la création d’un service civil est déposée à Berne. Appelée « Initiative de Muenchenstein », elle sera rejetée en votation populaire en 1977.
Elle demandait la modification de l’article 18 de la Constitution fédérale, maintenant l’obligation de servir, mais prévoyant un service civil de remplacement « pour les Suisses qui ne peuvent concilier l’accomplissement du service militaire avec les exigences de leur foi ou de leur conscience ».
Cette initiative introduit le débat autour de la question de savoir s’il faut laisser à l’objecteur un libre choix ou introduire un examen de ses motifs d’objection.
Une nouvelle initiative « pour un authentique service civil basé sur la preuve par l’acte » est lancée en 1977 puis déposée le 14 décembre 1979. Elle vise à ce que la Constitution fédérale soit complétée par un article 18 bis53 qui prévoit que « celui qui refuse le service militaire en est libéré s’il accomplit un service civil ».
Le principe est alors admis que le service civil proposé doit avoir une durée plus longue que celle du service militaire. C’est de cette manière que l’objecteur prouve sa bonne foi, en acceptant d’effectuer un nombre plus élevé de jours de service, démontrant par là « le sérieux de ses convictions».
L’initiative est refusée à 63.8% le 26 février 1984.
Le 27 septembre 1983 : Mme Eva Segmüller, Conseillère nationale membre du Parti Démocrate-chrétien dépose une motion, dont la teneur est la suivante : «Code pénal militaire. Objecteurs de conscience. Le Conseil fédéral est prié de soumettre aux Chambres fédérales un rapport assorti de propositions tendant à modifier le code pénal militaire, dans les limites des normes constitutionnelles actuelles, de telle sorte que les objecteurs de conscience authentiques ne soient plus assimilés aux criminels de droit commun quant aux peines encourues et à l’exécution de celles-ci ».
La motion déposée en 1983 par Mme Segmüller conduit à la révision du code pénal militaire en 1990. Cette révision consistera notamment en une modification importante des peines encourues par les objecteurs. En effet, on lit dans le message du Conseil fédéral à l’appui de cette révision que « la tendance actuelle est de remplacer la peine traditionnelle par certaines alternatives, notamment la peine privative de liberté par une peine restrictive de liberté. Le droit pénal des mineurs connaît […] une « astreinte au travail ». On peut donc imaginer que pour les objecteurs de conscience authentiques, la peine d’emprisonnement ou d’arrêts répressifs soit remplacée par une mesure sui generis d’astreinte au travail, qui conserve le caractère de sanction »
Le 20 mars 1991, une initiative parlementaire émanant d’une commission du Conseil national propose une modification de la Constitution fédérale en vue de l’introduction d’un service civil.
Le 13 décembre 1991, un arrêté du Parlement prévoit l’introduction d’un service civil pour les objecteurs de conscience.
Le 17 mai 1992, plus de 80% des votants approuvent la nouvelle teneur de l’article 18 alinéa 1 de la Constitution fédérale en vertu duquel : « Tout homme de nationalité suisse est astreint au service militaire. La loi prévoit un service civil de remplacement »
La loi fédérale sur le service civil, adoptée par l’Assemblée fédérale le 6 octobre 1995, n’ayant pas fait l’objet d’un référendum, est finalement entrée en vigueur le 1er octobre 1996.